Dé-jouer l’indéfendable invisibilité de Mlle Rasch!

03.03.2022
Par Mercedes G., spectatrice

Pour les passionnées de théâtre, la lecture et l’amour des textes représentent souvent l’antichambre de l’univers théâtral. De ce fait, ce que j’ai particulièrement apprécié dans l’originalité des premiers spectacles du répertoire_22 a été que les mises en scène présentées amplifient à mon sens l’appréciation de leur dimension littéraire. À deux occasions, nous avons eu l’opportunité de goûter à la diversité de l’expression « faire du théâtre » et,  par la même occasion à nous confronter à nos interrogations, nos rôles, nos attentes et surtout nos plaisirs de spectatrices et de lectrices.

Pour débuter la deuxième partie de saison, Maya Bösch s’est empressée de répondre à une invitation particulièrement périlleuse. Le directeur du théâtre Matthieu Bertholet lui a précisé dans sa commande, que sa mise en scène ne devait en aucun cas être une simple illustration du texte. La mystérieuse tâche n’allait pas être simple, nous confia Maya B. puisqu’au fond cette longue didascalie (sorte de notice explicative) ne racontait pas grand-chose : la seule soirée d’une femme entre deux âges qui rentre chez elle après le travail et termine par aller se coucher. Les contraintes qui paraissaient austères révèlent un spectacle enivrant : on rit, s’extasie et titube avec Barbara Baker et Jeanne de Mont, les deux actrices.

Une véritable performance, car nous avons la chance de participer de façon simultanée à un concert surréaliste interprété par deux comédiennes délirantes, d’entrer dans l’intimité à la fois pudique et scandaleuse d’une femme sans histoire et, de découvrir l’œuvre d’un auteur qui, en 1973 rompt avec les conventions théâtrales en lançant un défi ironique et révolté au milieu culturel. L’auteur s’attèle alors dans cette œuvre à dénoncer le manque d’espace attribué à la parole des employés subalternes, indignement ignorés dans une société de plus en plus soumise aux intérêts du capital. La suggestion d’une fin de nuit à la conclusion radicale nous renvoie à l’aliénation du personnage et boucle le propos sans nous laisser de doute quant à la position politique de l’auteur.

La réponse de la metteure en scène est foudroyante et d’une généreuse énergie. Rien n’était gagné d’avance. Mais, le talent de toute l’équipe (décor, musique, costumes) qui accompagne les deux splendides actrices ; ainsi que l’inspiration d’une metteure en scène tout aussi rebelle que l’auteur sont parvenus à nous mixer un véritable cocktail incendiaire.

Par Mercedes G., comité de spectatrices